Peu spectaculaires, les avalanches sont fréquentes dans le massif vosgien et peuvent s’avérer
dangereuses. Étudiante en histoire à l’UHA, Florie Giacona y consacre sa thèse de doctorat.
« Quand je parle de mon sujet de thèse, beaucoup rient », confie Florie Giacona, qui achève son doctorat au Cresat (Centre de recherches sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques) de l’Université de
Haute-Alsace (UHA), à Mulhouse. Lorsque l’historienne Marie-Claire Vitoux et le géographe Brice
Martin, tous deux maîtres de conférence à l’UHA, lui ont proposé, dès son mémoire de maîtrise, de s’intéresser à l’histoire des avalanches dans les Vosges, cette Uffholtzoise de 25
ans avoue elle-même qu’il lui paraissait alors « un peu farfelu de travailler là-dessus ».
Pourtant, montrer qu’il se produit des avalanches dans un massif de moyenne montagne comme celui qui nous fait
face est une problématique en soi, peu étudiée jusqu’ici. Florie Giacona cite les articles « pionniers » de Pierre-Marie David, ancien gardien de chalet et nivologue amateur, qui collabore avec Météo France ; du maire de Mittlach, Antoine Boithiot ; ou encore de l’ancien conservateur de la bibliothèque de Colmar, Francis Gueth. Il a donc d’abord
fallu établir une chronologie des « événements », en utilisant des sources écrites (ses recherches remontent au XVIIIe siècle) et orales (pour la période contemporaine). Florie Giacona a notamment sollicité les ski-clubs et les clubs alpins, afin que leurs membres lui fassent « remonter » leurs observations sur le terrain.
« Des accompagnateurs de moyenne montagne jouent le jeu, des pratiquants de sports d’hiver également. » Elle-même monte dans le massif dès que possible, en raquettes ou à skis de
fond.
Résultat : 360 avalanches recensées depuis la fin du XVIIIe siècle, avec évidemment un plus grand nombre pour la
période récente, les sources anciennes ne mentionnant que les plus importantes. Comme, par exemple, celle du 15 février 1895, au Rothenbachkopf, un sommet
situé cinq kilomètres au sud du Hohneck : ce jour-là, la neige parcourut plus de 1 km, provoquant d’importants dégâts forestiers en direction de
Wildenstein. Idem en 1952, au même endroit, cette fois en direction de Mittlach.
Si l’impact sur la nature est parfois durable, le déboisement accidentel restant visible durant plusieurs
années, les avalanches vosgiennes sont rarement spectaculaires. « Ici, il n’y a pas d’avalanches en aérosol, comme on en voit dans les films, explique Florie Giacona. Les pentes ne sont ni assez fortes, ni assez longues. » Les sommets haut-rhinois concentrent évidemment les risques, en particulier le
secteur du Hohneck, avec une vingtaine d’avalanches durant l’hiver 2009-2010, sur la cinquantaine recensée au total. Sur les crêtes, la neige forme des
corniches qui surplombent les pentes, peuvent se rompre au passage des randonneurs, ou s’effondrer sous l’effet du redoux. Dans certains couloirs, on observe également des avalanches de
plaques, provoquées par l’homme.
« J’ai recensé environ 110 victimes au total, dont une petite quarantaine depuis 1999-2000, précise
Florie Giacona. Ces chiffres sont à nuancer, puisque, pour la période actuelle, j’ai connaissance de ‘‘victimes’’ qui n’ont pas été blessées et
qui n’ont pas fait l’objet de secours, ce qui n’est pas le cas pour les périodes précédentes. » Autrefois, les voyageurs qui passaient d’un côté à l’autre des Vosges, souvent pour des
raisons commerciales, étaient les principales victimes des avalanches, ainsi que les habitants des maisons ou marcairies emportées par des coulées. Aujourd’hui, ce sont les pratiquants des
sports d’hiver — randonneurs à skis ou en raquettes — qui sont les plus exposés. La neige a ainsi tué en 1973 et en 1984 dans la combe du Schallern, au
Gaschney, où le danger a été signalé par des panneaux l’année suivante. Depuis 2000, cinq personnes ont trouvé la mort dans des avalanches en Alsace.
Alors que le ski hors piste prend de plus en plus d’ampleur, le danger est-il suffisamment pris en compte par
les randonneurs ? Certains « freeriders » s’amusent à déclencher de petites coulées « pour le fun », le frisson et la frime en vidéo sur internet. Mais mieux vaut ne pas sous-estimer la
montagne, même lorsqu’elle est réputée « moyenne »…
Olivier Brégeard