Vu dans la presse (Dernières Nouvelles d'Alsace, 2 juillet 2017)
Au Grand Ballon, une exposition photographique « La Belle Traversée du massif des Vosges » retrace l’histoire de l’emblématique rectangle rouge) à travers 16 sites situés entre Wissembourg et Belfort.
LE TOIT DES VOSGES a été hier le point de convergences symbolique de groupes de marcheurs du Club vosgien partis chacun des deux extrémités du « rectangle rouge », l'un de Wissembourg le 30 mai, I'autre de Belfort le 26 juin, sur les pas des centaines de milliers de marcheurs qui ont emprunté l'itinéraire de la traversée nord-sud des Vosges depuis 120 ans.
Des dessins extraits de livres d'or
La date n'avait pas été choisie au hasard, elle coïncide avec l'inauguration de l'exposition photographique « La Belle Traversée du massif des Vosges » consacrée à l'itinéraire de grande randonnée et installée pour l'été au Grand Ballon au point d'accueil du Parc.
L'exposition s'organise en deux parties. Elle s'arrête tout d'abord sur seize sites. Elle décline en photo ces lieux emblématiques entre Wissembourg et Belfort qui témoignent de Ia beauté et de la diversité des paysages traversés. Elle présente également des vieux panonceaux de balisage, ainsi que quelques cartes postales anciennes et des dessins pittoresques extraits des livres d'or, certains datant de la fin du XIXe siècle. L'exposition rappelle aussi l'histoire du « rectangle rouge ».
Dans une 2e salle, les visiteurs trouveront des reproductions des 17 « murets des crêtes » aménagés en 2016-2077 sur la Route des Crêtes par le Parc... que longe sur une partie de son itinéraire le « rectangle rouge ». Chacun décline un thème : le climat, la faune, le Markstein etc.
« Les sentiers sont Ia marque de fabrique du massif », a souligné Laurent Seguin, président du Parc naturel régional des Ballons des Vosges co-organisateur de I'exposition avec Alsace Destination Tourisme, la Fédération du Club vosgien, la Fédération française de randonnée pédestre (le rectangle rouge est homologué GR® depuis 70 ans), et le PNR des Vosges du Nord.
« Le précurseur des sentiers de grande randonnée »
« C'est bien le précurseur des sentiers de grande randonnée sur lequel veillent une cinquantaine d'associations », a rappelé le nouveau président de la Fédération du Club vosgien, Alain Ferster.
L’exposition est un bel hommage historique et patrimonial à la randonnée, « essence même de notre économie touristique », a souligné le maire de Fellering, Annick Lutenbacher. La certification probable du « rectangle rouge » cet été par le label européen « Leading quality trails » ne pourra que renforcer cette attractivité.
G.G.
« La Belle Traversée du massif des Vosges », jusqu’au 31 août au point d'accueil du Parc naturel régional des Ballons des Vosges du Grand Ballon ; du 15 septembre au 31 décembre à l'office du tourisme de Hanau, la Petite Pierre, Parc naturel régional des Vosges du Nord. Entrée libre.
Entretien avec Jean-Marc Parment, vice-président fédéral du Club vosgien et directeur de la revue Les Vosges
Quelles ont été les grandes étapes de l'évolution de l’itinéraire « rectangle rouge » dont vous célébrez les 120 ans cette année ?
- Si on fait abstraction des chemins de pèlerinage, le « rectangle rouge » est le premier grand itinéraire pédestre longue distance créé à l'époque moderne. Le Westweg, qui est son équivalent en Forêt-Noire, n'a été créé que trois ans plus tard, en 1900.
À l'origine, le sentier balisé par le rectangle rouge reliait Wissembourg à Masevaux, ne desservant que le territoire allemand, à l'époque où la frontière avec la France passait par le Ballon d’Alsace.
Comment le tracé avait-il été choisi ?
- L'objectif était de faire découvrir le plus de curiosités possible. La partie nord et centrale du massif vosgien dessert un grand nombre de châteaux forts; plus au sud, c'est le vignoble; et plus au sud encore, l'itinéraire mène les randonneurs vers les crêtes et les plus grands sommets : le Hohneck, le Grand Ballon et le Ballon d'Alsace. Lorsque le tracé a été labellisé sentier de Grande Randonnée (GR®) en 1950, sa partie terminale a été déplacée au Territoire de Belfort. Le « rectangle rouge est constitué de deux tronçons de GR, le GR5, qui part de la mer du Nord pour rejoindre la Méditerranée, en passant par le Benelux et le plateau lorrain. Dans le massif vosgien, il retrouve le triangle rouge au col de l'Engin, au nord-est du Donon. La partie nord du rectangle rouge, en provenance de Wissembourg, appartient au GR53.
Le « rectangle rouge » a donc été un précurseur des sentiers de grande randonnée (GR). D'où vient cette passion vosgienne pour le balisage des sentiers en montagne ?
- Avant la guerre de 1870, il existait un projet de création d'association afin d'ouvrir le massif vosgien à la randonnée et de valoriser son patrimoine. Celui-ci a été stoppé par la guerre. Ce sont ensuite les nouveaux venus, les Allemands, qui ont repris l'idée en 1872. Elle s'inscrivait dans le courant du romantisme tardif prônant la redécouverte de la nature et la réhabilitation du Moyen Âge, d'où l'intérêt porté aux châteaux forts. Ce mouvement n'était pas propre à l’Allemagne, il concernait l'Europe de manière générale, mais il a trouvé là sa concrétisation. Tout est parti d'un appel lancé par un magistrat allemand basé à Saverne, Richard Stieve, qui déplorait que les infrastructures en forêt soient rudimentaires, les sentiers en mauvais état et les châteaux forts inaccessibles en raison des broussailles qui les entouraient. Il a souhaité aménager des accès praticables afin de faire connaître la nature et patrimoines alsacien et vosgien. C’est ainsi qu’est né le Club vosgien le 15 décembre 1872. Le tracé du « rectangle rouge » a été créé en 1897 à l’occasion des 25 ans de l’association.
Reste-t-il encore des sentiers à créer ?
-Dans le massif vosgien, nous n'en créons plus car le réseau est extrêmement dense, voire saturé, au point qu'à certains endroits, une carte au 1 :50 000e est pratiquement illisible ! Aujourd'hui, la tendance est à la restructuration, à la rationalisation, avec la suppression: des doublons. La dernière création date de septembre 2O16, il s'agit du « Chemin des châteaux forts d’Alsace », qui épouse pour l'essentiel le parcours du GR53 et du GR5, entre Wissembourg et Thann.
Trop de dégradations
En revanche, depuis une vingtaine d'années, nous balisons en plaine, sur le plateau lorrain, dans la région des étangs et dans l'ouest vosgien, du côté de Neufchâteau et Domrémy.
Rencontrez-vous beaucoup de problèmes de dégradation ?
- Les dégradations sont un phénomène récurrent mais, dans l'ensemble, les infrastructures (tables, bancs, gloriettes, balisage, etc.) sont respectées. Ce qui est plus problématique, ce sont les usagers à véhicule, essentiellement les vététistes, parfois les motards, moins les quads, dont le nombre a régressé, qui empruntent les sentiers, avec un risque de ravinement, de dégradation du terrain, et surtout un danger pour les personnes. Lors de notre assemblée générale fédérale le 24 juin à Strasbourg, nous avons adopté une motion afin de lutter contre ces agissements qui suscitent une grande lassitude, un découragement et une démotivation de nos équipes de travail – les sentiers sont balisés et entretenus par plus de 1100 bénévoles travaillant dans les associations locales –, sans parler d'une certaine révolte devant tant de désinvolture face à ces dégradations du véritable patrimoine vivant que constituent nos sentiers.
Propos recueillis par Véronique Berkani
Dernières Nouvelles d’Alsace, dimanche 2 juillet 2017