Les cieux n’avaient rien de rassurant en ce petit matin gris. Pourtant vingt neuf d’entre nous ont vaincu leur angoisse et sont partis défier les éléments à partir de la naissance du Val de Thann.
Un timide, mais encourageant soleil, nous a accueilli à Vieux-Thann, notre point d’envol. Le temps de rappeler que le bourg abrite deux mille neuf cents âmes et une forte activité industrielle et nous partons pour une longue ascension. L’Amselkopf, le Herrenkopf, le Becherkopf et le Glaserberg nous ont déroulé leurs plus belles sentes au milieu des bois encore endormis. Nous progressons, avec calme et respect, dans cette nature apaisante plongée dans ses rêves avant l’assaut prochain du printemps.
Nous passons devant la stèle Jacquot avant d’atteindre la Waldkapelle. Erigée en 1891, à la suite de la promesse faite par Antoine Muller en remerciement pour sa survie miraculeuse, la chapelle des bois va devenir le théâtre de bien des péripéties de l’histoire locale. Abri de soldats pendant la grande guerre, elle est soufflée par un obus en 1917. Reconstruite, elle abrite à nouveau la troupe pendant le deuxième conflit mondial. Le 18 octobre 1944, elle sera témoin impuissante de l’exécution des membres du maquis des résistants locaux parmi lesquels Anatole Jacquot dont nous venons de croiser la pierre mémorielle. A nouveau anéantie pendant les ultimes combats, elle est reconstruite en 1955 et rénovée en 1986. De nos jours, le 1er mai, elle devient le but d’un pèlerinage local en fanfare avec office religieux et apéritif concert drainant quelques centaines de participants.
N’ayant pas encore satisfait notre besoin d’effort, nous poursuivons notre grimpée vers le chêne Wotan. Ce majestueux quercus séculaire se dresse sur une éminence d’où il contemple la vallée. Il a hérité de ce nom divin par la ressemblance de son système racinaire avec les huit pattes de Sleipnir, le cheval mythologique du dieu des dieux scandinaves, Odin, dont Wotan est la déclinaison germanique bien connu des amateurs d’opéras. Quel que robuste, cet emblème se trouve en bien mauvais état, probablement à la suite de la foudre, et après ses jours heureux, il entre dans ses jours éternels.
Le camp des Pyramides puis le camp Turenne, hauts lieux des conflits opposant notre mère patrie actuelle à celle qui voulait l’être, composaient le faîte de notre ascension. Avant d’entreprendre notre glissade vers la vallée nous faisons halte dans l’abri du Becherkopf chauffé par les soins de notre bucheron émérite. Las, n’étant pas seuls sur ce beau promontoire, nous avons partagé les bancs avec d’autres amoureux sylvestres. La température ne s’en est que mieux envolée.
La chapelle Sainte Thérèse puis la mine Saint Nicolas ont marqué notre retour. La mine de plomb argentifère était active de 1560 à 1630. Les filons, probablement épuisés, ont tout de même éveillé l’intérêt de plusieurs pionniers ultérieurs. Une catastrophe, heureusement sans perte humaine le 5 mars 1902, a définitivement mis un terme aux velléités de reprise de l’exploitation. Un groupe de mineur de potasse a transformé le site en musée visitable durant la belle saison.
Pour clore notre belle journée sous un ciel beaucoup plus avenant, que les promesses hasardeuses avancées par les augures, le faisaient craindre, nous nous sommes lancés dans une boucle panoramique pour admirer la plaine d’Alsace depuis le vignoble le plus austral de notre région. De nos pas ultimes, nous avons foulé le chemin de Compostelle nord sud alsacien avant de rencontrer le chemin est ouest en provenance de Fessenheim et de l’Allemagne. Les deux variantes cheminant de concert à partir de l’endroit où nous attendent nos voitures. Puissions-nous conserver cette concorde de chemins dans le monde brutal en cours d’émergence bien loin de la paix de nos rencontres hebdomadaires.
Guide et texte : Patrick
Photos : Blanche, Nadine, Martine et Patrick
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