Sortie à contre-emploi pour le guide de ce jour qui sera probablement voué aux gémonies. Un mécréant assumé obligé de parcourir le chemin des chapelles !!!
Nonobstant cette incongruité, et en connaissance probable de cause, trente-six pèlerins étaient présents, dès tierce sonné, au pied de l’église du Dompeter aux abords du beau village d’Avolsheim, prêts à surveiller leur accompagnateur.
Quelles que soient nos convictions, il faut bien admettre que notre civilisation a été pétrie par la révolution chrétienne. Les collines que nous avons parcourues tout au long de notre pérégrination gardent les traces anciennes de cette proto-chrétienté alsacienne. Dès le départ,
le Dompeter, joyau roman unique dans la région, magnifique édifice de calme, de sobriété et d’équilibre invite, depuis plus d’un millénaire, le passant à revenir à l’essentiel. Consacré par Léon, notre pape alsacien en 1049, le domus pétri pointait déjà sa flèche vers le ciel au 7ème
siècle.
Quelques encablures plus loin, le centre d’Avolsheim nous accueille avec deux autres merveilles. La petite chapelle trétraconque Saint Ulrich, nous dévoile ses quatre lobes richement décorés à fresque et orientés aux quatre points cardinaux. Son clocher octogonal garde des
traces de l’architecture religieuse carolingienne que l’on trouve également à Prague ou à Cracovie.
L’église saint Materne, beaucoup plus récente, construite en 1911, en style néo roman semble avoir fourni des efforts surhumains pour ne pas déparer devant son illustre aïeule. Efforts hautement méritoires et couronnés de succès, les proportions et les décors de la nef sont
remarquables.
Après ce début de journée, empreint d’architecture spirituelle, nous nous autorisons un bref intermède pour admirer le confluent de la Mossig et de la Bruche ainsi que le barrage établi sur la dernière. Ce barrage a pour vocation de réguler le canal de la Bruche qui démarre à cet endroit. Il a été creusé par Vauban en 1682 pour acheminer le grès de Soultz vers Strasbourg où il a servi à l’édification des remparts de la ville.
De retour sur notre chemin mystique, nous croisons un ancien temple dédié à Bacchus situé à l’orée du vignoble. Après avoir été détruit par les villageois puis habité par une hydre à trois têtes, Dyonisius ou Denis, premier évêque de Paris prend possession des lieux et fait ériger une chapelle sur les décombres de l’antre bacchique.
Bacchus ne pouvait que nous conduire aux sources du plaisir profane ! c’est ainsi que nous gravissons la pente abrupte de l’Altenberg ou coule en automne le Riesling Grand Cru dont nous nous mettons à rêver dans l’effort de l’ascension.
Pas de nectar fermenté au faîte de l’Altenberg mais un Christ un peu kitsch dans sa dorure agressive. Le riesling peut murir en paix aux pieds de ce brillant protecteur.
Nous prenons notre déjeuner à l’ombre des tilleuls de l’ancien village d’Altbronn, disparu depuis le 14ème siècle, probablement pillé puis incendié par les soudards désœuvrés d’une quelconque milice démobilisée. Ne reste du village qu’un très beau sanctuaire construit à la fin du 16ème siècle par les jésuites de Molsheim et dédié à Marie, Notre Dame de la Miséricorde de son plein pédigré.
Restaurés, abreuvés nous reprenons nos bâtons de pèlerins vers Ergersheim puis Ernolsheim sur Bruche non sans avoir honoré la petite mais fraiche chapelle dédiée à Michel et, elle aussi, seul vestige du village disparu de Rimmlenheim.
Presque au bout de notre périple, nous croisons une dernière chapelle dénommée, saint Armuth. Construite à l’emplacement de l’ancien gibet de Dachstein, elle est l’œuvre du forgeron du village, injustement condamné à mort pour un crime qu’il n’a pas commis mais sauvé de la
corde à l’ultime moment par le véritable assassin pris de remord. Aucun prénom Armuth ne se trouvant dans le répertoire des saints, il s’agit probablement d’une déformation de Armut désignant la pauvreté en Allemand.
Quelques centaines de mètres plus loin, nous retrouvons nos véhicules bien alignés après cette journée de soleil. Les prairies bordants notre chemin nous ont ravi par les couleurs et les fragrances printanières.
La nature a étalé tous ses charmes pour notre bonheur. Mais que serait cette nature sans les traces que les Hommes y ont semées tout au long de l’Histoire ? Serions-nous d’ailleurs en train d’y songer ?
Guide et texte : Patrick
Photos : Michèle