L’hiver, en cette mi-novembre, a tenté une brève incursion dans nos habitudes encore automnales. Dame Prudence, dûment consultée, nous a proposé de préférer la belle vallée au Val d’argent initialement envisagé. Conseil avisé mais que nous aurions pu ignorer, le bonhomme Hiver ayant promptement remisé ses menaces, rendant aux cieux une clémence printanière.
C’est ainsi que trente six chandelles sont parties à l’assaut des pentes septentrionales de notre Petit Ballon fièrement dressé au-dessus du val saint Grégoire.
Après une approche aisée longeant le cours principal de la vallée, le chemin s’incline rapidement en direction de l’une des sentinelles locales. Le Schwartzenbourg nous accueille après quelques lacets finement noués autour des arbres et des précipices.
Les restes de l’édifice, probablement érigé par un parent de l’évêque de Strasbourg, contemplent les environs depuis huit siècles. En ses jeunes années, le château a été témoin de quelques outrances humaines prisées en ces époques mais pas si éloignées des coutumes contemporaines. Le prélat mitré strasbourgeois Walther von Geroldseck, ayant des velléités de domination sur toute la région, non content de semer la discorde autour de sa cathédrale, jette des ferments de révolte en Haute Alsace jusqu’au fond de notre vallée pourtant attribuée à son confrère bâlois. Par bonheur, en l’an 1262, les bourgeois et quelques renforts impériaux ont mis fin aux frasques épiscopaux de notre Walther dans la boue des hauteurs de Hausbergen.
Quelques années après ces évènements, un autre Walther, Roesselmann celui-là, fils de Jean dont la statue trône place des six montagnes noires à Colmar, finira ses jours dans un cachot du donjon à la suite d’incompréhensions inopportunes avec l’empereur du moment Adolphe de Nassau.
En poursuivant notre route, sur quelques hectomètres et six siècles vers la terrasse Napoléon, nous nous inclinons sur la sépulture d’un cheval du héros d’Austerlitz, acquis par Frédéric Hartmann après les Cents Jours et honoré de ce lieu de repos à l’exposition majestueuse comme il se doit pour un animal impérial.
Après l’intermède historique, nos clepsydres de poche nous enjoignent de presser le pas pour ne pas mettre en difficulté notre fouille-au-pot qui met toute son énergie à la confection de notre régal de mi-journée. Ainsi prévenue, toute la cohorte se remet en chemin de peur de manquer de subsistances essentielles. Les hauts de Wasserbourg et le Schreiplan sont avalés sans coup férir malgré la pente.
Le mitan du jour était à peine dépassé quand nous avons pris possession de l’auberge de Margot qui nous attendait de pied ferme. Tourtes savoureuses et siesskass ont récompensé nos efforts et regarni nos entrailles.
La tiédeur des lieux et la chaude ambiance, une fois encore, ont endormi notre sens du temps qui coule. Mais après deux tours de cadran, il fallait songer abandonner ce havre sous peine de terminer notre promenade dans la profondeur de la nuit.
Après l’image souvenir captée par notre peintre habituelle, nous nous hâtons vers les pentes qui ont changé de sens et dévalent prestement au travers des bois vers le fond du val. L’un ou l’autre passages acrobatiques ont été maitrisés avec panache et malgré la lumière de plus en plus avare, nous avons atteint nos coches avant l’obscurité compète.
Dix huit kilomètres et six cent soixante mètres d’effort montant ont émaillé cette journée qui, je l’espère, laissera de belles traces dans nos souvenirs.
Guide et texte : Patrick
Photos : Blanche, Michèle