Une bien belle journée, avec une météo inespérée et un groupe (de vingt-cinq) tellement... sympathique !
Ci-après, en vrac, quelques photos de cette randonnée, et des repères - historiques, industriels, écologiques - sur l'Île du Rhin et la Petite Camargue alsacienne.
Denis
Le Rhin, le Vieux-Rhin, le Petit-Rhin, l’Augraben, le Grand canal d’Alsace, le canal de Huningue
Nous « naviguons » entre de nombreux cours d’eau, historique comme « Vater Rhein », industriel comme le Grand canal d’Alsace, très jeune (à peine dix ans), comme le Petit-Rhin…
Le Rhin
1 233 km. Son bassin versant intéresse neuf pays : le Liechtenstein, la Suisse, le Luxembourg, l'Autriche, l'Italie, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas, la France. Il fournit de l'eau potable à plus de 30 millions de personnes.
Événements historiques, climatiques et dramatiques
Hiver 406-407 – à hauteur de Mayence, le Rhin est gelé (une version toutefois contestée). Les tribus (30 000 Vandales et Suèves) le traversent pendant plusieurs semaines. Vers 410, ils sont en Espagne, vers 430, ils arrivent en Afrique. C’est le « début de la fin » de l’Empire romain d’occident.
1303 - sécheresse exceptionnelle ; le Rhin peut être localement traversé à pied sec.
1342 - inondations de la Sainte-Madeleine, pendant quatre semaines.
1480 - crue de la Saint-Jean, qui affecte tout le Rhin supérieur de Bâle à Cologne, dite le « déluge du Rhin ». Mêlée à celle de l'Ill en Alsace, l'inondation s'étend autour de Strasbourg sur un rayon de 30 km alors qu’en Haute Alsace on se déplace en barque de Rouffach à Brisach…
Décembre 1740 - l'Alsace et le pays de Bade ne forment plus qu'un vaste lac joignant les Vosges et la Forêt-Noire (cote de 6 mètres à Bâle).
Hivers 1784 et 1789, des débâcles désastreuses provoquent des inondations énormes au moment du redoux. Les blocs de glace charriés par les eaux emportent des ponts et ravagent Mayence et Cologne.
L’Isteiner Klotz
Au-delà de la frontière, l'Isteiner Klotz (le « bloc » d’Istein) s'élève à environ 150 mètres au-dessus des prairies du Rhin. Issu de gisements jurassiens (160 millions d’années) l'Isteiner Klotz a à l'origine empêché le Rhin de se diriger vers le nord, de sorte qu'il a d'abord coulé dans la vallée du Rhône vers la Méditerranée.
Lors de la construction du chemin de fer de la vallée du Rhin en 1846, les ingénieurs ont dû s'attaquer à l'Isteiner Klotz, optant pour une variante complètement plate et sinueuse d'un rayon de 400 mètres. La voie ferrée qui existe encore aujourd'hui est donc un réel obstacle à la circulation, la vitesse maximale sur ce tronçon d'environ 15 km de long y est de 75 km/h. Le non-respect de cette limite de vitesse a conduit au grave accident ferroviaire de Rheinweiler en 1971, au cours duquel 25 personnes ont été tuées.
Le Rhin rectifié : l’ingénieur Johann Gottfried Tulla (1770-1828) consacre sa vie à un grand projet d’aménagement du Rhin
En pleines guerres napoléoniennes, Tulla conçoit un projet décisif. Formé en Allemagne et à l'École polytechnique, il propose de donner un tracé rectiligne au Rhin supérieur, en supprimant ses méandres naturels afin de le rendre plus navigable, et de délimiter une frontière claire entre la France et le grand-duché de Bade. Si, pour certains, sa vision relève de la pure folie, elle donne lieu néanmoins à ce qui constitue alors le plus vaste projet de construction du continent. Mort avant l'achèvement du chantier, Tulla ne verra jamais les avancées apportées par les immenses travaux qu'il a initiés : intensification des échanges fluviaux européens, naissance de villes et de ports…
Contexte avant 1810
Après la fin de l'ère glaciaire, le Rhin Supérieur a commencé à creuser dans ses alluvions et a formé des rives escarpées sur lesquelles des agglomérations peuvent se développer à l'abri des inondations. Cependant les villes ou villages situés au niveau du fleuve sont sujets à de fortes inondations. Le cours du Rhin entre Bâle et Karlsruhe se cantonne dans une vallée de deux à trois kilomètres de large avec une multitude de bras de rivière et de petites îles ; plus en aval, entre Karlsruhe et Mayence, son cours forme des méandres particulièrement prononcés et tortueux dans une zone de terrain plat beaucoup plus large.
Formant la frontière entre le grand-duché de Bade et la France ou entre le Palatinat et la France, le Rhin impose, au fil de ses changements de cours, de nombreuses rectifications de frontière. Son importance économique pour la pêche et pour le transport de bois par flottage est très significative.
La crue qui touche gravement la commune de Wörth en janvier 1816 conduit à un accord entre les gouvernements badois et bavarois pour mener en commun le plan proposé par Tulla, cela sans même en avoir calculé tous les coûts.
Le plan se limite à une série de petits canaux d'une largeur de 10 à 25 mètres, permettant de court-circuiter les méandres du fleuve. Pendant la construction, un barrage de terre est maintenu en amont afin de garder le chantier au sec. Ce barrage est percé lorsque le reste des travaux est terminé. Le canal est alors inondé et en raison de la pente accrue du canal par rapport aux méandres, tend ensuite à s'élargir et à s'approfondir naturellement, en particulier lors des périodes de crues. L'ancienne boucle du fleuve est en partie obstruée par un barrage de terre de telle sorte qu'il n'y a pas d'écoulement et ainsi l'ancien cours s'envase lentement.
Les rives sont stabilisées à l’aide de pieux enfoncés en force et de dallages en pierre.
1842-1876
Après Tulla, les travaux sont menés par Max Honsell.
Le lit mineur mesure 200 m de large. Il contient le fleuve la plupart du temps car ses digues ne sont submergées que lors des très grandes crues. Le lit majeur, dont la largeur varie en fonction des crues, est plus large et contient les crues mêmes les plus fortes.
Ces travaux ont un effet inattendu : le cours d'eau étant moins sinueux, sa pente et son courant augmentent. L'érosion est alors accélérée. Quelques kilomètres en aval de Bâle, les rochers de la barre d'Istein sont mis à nu, tandis qu'en aval des hauts-fonds apparaissent avec l'accumulation des graviers et dépôts. Ce fort courant rend la navigation très difficile en amont de Mannheim et le port de Strasbourg ne sera presque plus desservi entre 1864 et 1868 et celui de Bâle sera en fort déclin.
À partir de 1878, plusieurs projets d'un canal latéral au Rhin sont proposés, mais n'aboutiront pas souvent faute de financement. Provisoirement la solution retenue pour ralentir le courant est de retracer des méandres en plaçant des épis faits de végétaux tressés, dans les berges.
Après le traité de Versailles de 1919, la France obtient le droit exclusif d'aménager le Rhin. En 1928 commencent les travaux du canal, qui est creusé parallèlement au Rhin.
Voir aussi : Wikipédia, article "Correction du Rhin supérieur"
En savoir plus sur Tulla, le grand bâtisseur, avec un documentaire-fiction proposé sur Arte, qui porte cependant un regard critique sur les aménagements colossaux accomplis alors, insistant notamment, grâce au recul apporté par le temps, sur les dégâts écologiques qu’ils ont causés.
À voir sur Arte, jusqu’au 12 novembre 2020 : https://www.arte.tv/fr/videos/077365-000-A/tulla-l-homme-qui-dompta-le-rhin/
Le Grand canal d'Alsace, l’énergie hydroélectrique, la renaturation
Il est mis en service en 1959. Son concepteur est René Koechlin (1866-1951), ingénieur français, spécialiste dans la production d'électricité par force hydraulique à l'origine du projet de construction du Grand canal d'Alsace et des équipements hydroélectriques associés.
Le port de Bâle est devenu ainsi l'un des plus importants du Rhin depuis la création du canal. En effet, le Rhin (via le canal) est la seule voie d'accès direct à la mer du Nord pour la Suisse. C'est - selon les Bâlois - "le plus beau cadeau que l'Alsace a fait à Bâle" !
Le Grand canal a un chenal navigable compris entre 80 et plus de 100 m : davantage que le canal de Suez.
La longueur du canal entre Kembs et Vogelgrun est d'environ 50 km.
L'aménagement hydroélectrique du Rhin alsacien est constitué de 10 centrales construites entre 1932 et 1977, qui représentent actuellement 12 % de la production française d'énergie renouvelable avec une puissance de 1 200 MW (à comparer aux 2x900 MW de la - défunte - centrale nucléaire de Fessenheim).
Les centrales de Kembs (1932), Ottmarsheim (1952), Fessenheim (1956) et Vogelgrun (1959) sont installées sur le Grand canal d'Alsace.
En aval de Vogelgrun, le canal fait place à quatre aménagements sur lesquels sont situés les écluses et centrales hydroélectriques de Marckolsheim, Rhinau, Gerstheim et Strasbourg.
La force motrice du Rhin permet de produire l’équivalent des deux tiers de la consommation électrique alsacienne.
1932
La centrale hydroélectrique de Kembs (160 MW). C’est une centrale de turbinage au fil de l'eau. Il s'agit de la première centrale hydroélectrique sur le Rhin franco-allemand, elle marque le début du Grand canal d'Alsace. La centrale est nationalisée en 1946.
2010-2016
Suite au renouvellement de concession de 2010, EDF entame une campagne de travaux de plus de 5 ans incluant la renaturation sur environ 100 hectares de l’île du Rhin, avec remise en eau d'un ancien bras du Rhin dit « le petit Rhin ».
Dans le cadre de ce projet, une centrale de restitution de 8,4 MW (l’équivalent de la consommation électrique de 10 000 foyers sur une année) est également construite, la centrale K (en référence à René Koechlin ; à Kraft qui signifie force en allemand, pour la référence à la « force hydraulique » ; à Kembs). Elle permet de générer le débit d'attrait piscicole nécessaire pour attirer les poissons vers la passe qui leur permet de franchir l'ouvrage.
source : dossier de presse EDF ; octobre 2016
http://alsace.edf.com/wp-content/uploads/2016/10/20161020-DP-Kembs-Centrale-K.pdf
La réserve naturelle nationale de la petite Camargue alsacienne
Le territoire de la réserve naturelle se trouve sur les communes de Bartenheim, Kembs, Rosenau, Saint-Louis, Village-Neuf. Il compte 717 ha de surface terrestre et 187 ha aquatiques. La réserve est traversée par l'Augraben, l'unique affluent du Rhin dans le département du Haut-Rhin.
La pisciculture impériale de Huningue a été construite sur ce site sous Napoléon III, en 1852 pour l'élevage du saumon et de la truite. Elle fut la première pisciculture industrielle d'Europe.
La mosaïque de milieux composant la réserve comprend des dépressions humides, roselières et systèmes d'anciens bras du Rhin, prairies humides, pelouses sèches, prés de fauche, forêts alluviales, sources phréatiques…
Flore
Une abondance d’espèces : 15 orchidées ; 4 espèces protégées au plan national (iris de Sibérie, œillet superbe, marguerite de la Saint-Michel…) ; 35 au plan régional (épipactis des marais, œnanthe de Lachenal, staphylier…) ; 17 carex (plantes à feuilles coupantes et tiges de section triangulaire) ; 600 espèces de champignons.
Faune
On a dénombré dans la réserve 237 espèces de vertébrés (12 espèces de poissons, 174 oiseaux dont 76 nicheurs, tel que martin-pêcheur, milan noir, pic cendré, pic mar, blongios nain ; 30 mammifères dont muscardin, blaireau européen, chevreuil, sanglier, rat des moissons, chauves-souris… ; 5 reptiles (couleuvre à collier, lézard des souches, lézard des murailles…) ; 16 amphibiens dont triton crêté, sonneur à ventre jaune, crapaud calamite, rainette verte, grenouille de Lessona… et de nombreux invertébrés (non exhaustif): 40 espèces de libellules, 35 espèces d'orthoptères (grillons, sauterelles, criquets).
En savoir plus : https://petitecamarguealsacienne.com/fr/