Seigneur Hiver déploie encore quelques timides rides mais Dame Printemps, éveillée de son bref sommeil, nous enchante déjà de son sourire.
Quarante trois chemineaux sages et sans danger ont profité de cette escapade ensoleillée. Rendez-vous fut pris place du 18 juin 1940 à Wihr au Val, date marquée à jamais dans les esprits locaux pour des raisons bien différentes de la commémoration nationale.
Avant de revenir sur cette journée terrible, nous commençons notre ascension vers la chapelle Saint Croix en longeant le terroir du Linsenberg, qui grâce à l’expertise tenace des vignerons, rend un cru digne des plus grands.
Le chemin de Croix raide nous mène au faîte du Sommerberg où trône la chapelle témoin de tant d’atrocités !!
Le 18 juin 1940 donc….
Les troupes allemandes sont à Colmar et cherchent à déloger les Français encore retranchés dans la vallée de Munster. Ces Français sont en grande partie camouflés sur le Sommerberg, l’endroit précis où nous nous trouvons au moment de cette narration. Malgré de multiples reconnaissances, les Allemands n’arrivent pas à situer les troupes embusquées. Pis, des tirs font plusieurs victimes dans leurs rangs. Chauffé à blanc, le commandant du bataillon allemand demande de l’artillerie en renfort. En début d’après-midi les canons sont en place et ouvrent le feu. Obus perforants, incendiaires, … pleuvent sur le village. A 18 heure, les flammes consument l’intégralité des rues et la troupe allemande rentre dans Gunsbach, le dernier village avant Munster. La chaleur est telle, qu’il faudra attendre plusieurs jours avant de commencer le déblaiement. 107 maisons détruites, 90 têtes de bétail tuées, mais que…3 morts civils, maigre consolation !
Après cette triste page d’histoire, nous reprenons souffle et courage pour continuer sur notre sentier, moins exigeant, furetant en balcon au-dessus d’un ruisseau bien tumultueux. L’abri des chasseurs émarge à presque 700m d’altitude alors que nous n’avons parcouru que 3.5 km. Courte pause avant de reprendre nos bâtons de pèlerins du mercredi. Destination la Croix de Wihr.
Encore un haut lieu d’histoire tragique.
Aout 1914….
A partir du 17 aout, sur les hauteurs des Trois Epis, l’armée française de reconquête prépare une percée vers Colmar. Le 19, deux colonnes du 152ème régiment d’infanterie, notre 15-2, encore caserné à Gérardmer, se mettent en route.
La première part de Horodberg et bouscule les Allemands au niveau de la Croix de Wihr, où nous nous trouvons. 200 morts, sont restés sur la mousse verte des hauteurs.
La deuxième colonne tente de sortir de la vallée par Gunsbach et…. Wihr au Val. C’est encore au Sommerberg, autour de la chapelle où nous nous trouvions, que la bataille fit rage.
Là aussi les morts se comptent par dizaines. Plusieurs fosses communes provisoires sont creusées en dessous de la chapelle.
Tant de morts pour ….pas grand-chose ! Le 3 septembre, à la suite de la menace sur Paris en provenance du nord-est, Joffre décide de concentrer toutes les forces sur la Marne ; ce sera la première bataille de la Marne. Et l’Alsace restera allemande, 4 ans encore, jusqu’au 11 novembre 1918.
Il nous reste encore trois kilomètres à avaler avant de déguster nos jambons-beurres. En route donc vers l’auberge Obschel, certes close, mais sise dans un havre de vert bonheur. Une tache de soleil inonde la prairie où nous nous égayons. Un moment d’ataraxie bienvenue après les récits noirs du matin.
Nos forces reconstituées, nous nous coulons entre les résineux vers la chapelle des frères, lieu érémitique au-dessus de Zimmerbach de 1480 à 1795. Mais toujours chapelle aujourd’hui.
Le retour passe autour du château de Walbach et traverse le bas du vignoble de la vallée qui s’est beaucoup développé au cours des trente dernières années
Pour quelques-uns, frustrés par la fermeture pour congé de notre boucherie iconique, cette journée quasi printanière, ne pouvait pas se clore sans passage par l’attrayante brasserie des confins de Soultzbach. Après la profusion de mousse verte de la forêt, la mousse blanche a ravi nos yeux et nos palais.
Guide et texte : Patrick
Photos : Philippe et Patrick