Certes, le Perrou c’est loin ! Mais que de bonheur en traversant les riants villages du Sundgau profond. Carspach, Hirtzbach, Largitzen et tous les autres ont déployé leurs plus beaux atours pour saluer le passage de notre convoi vers Courtavon notre départ du jour.
C’est depuis le magnifique Plan d’Eau de ce village du Jura Alsacien, en équilibre sur la ligne de partage de l’onde entre Rhin et Rhône, que nos dix-neuf honnêtes chemineaux ont entamé un long périple cosmopolite.
Dès le douzième siècle, la vigie du Morimont s’est mise à veiller sur ce sud alsacien. A l’est, les berceaux d’où s’épanchent deux de nos généreuses rivières, la Largue et l’Ill. A l’ouest, le château a pu observer les flèches de Guillaume qui ont transpercé les belles pommes rouges partout présentes à foison. Les vicissitudes du grand âge de notre castel interdisent, pour l’heure, les caresses trop rapprochées. C’est derrière la grille close que nous imaginons les fastes qui, en d’autres temps, ont illuminé ces pierres aujourd’hui souffrantes.
Après cette incursion dans le riche passé, notre chemin s’incline vers le ciel encore clément, malgré quelques nuées sombres. Au bout de la pente, le rocher de la sorcière, nous dévoile la dernière plongée vers la mère patrie. Droit devant nous, la ferme des Ebourbettes marque les confins de notre havre.
Avant d’enjamber cette bordure, nous reprenons quelques forces, éparpillés devant cette ligne à peine visible.
L’accueil du pays helvète se fait par un beau chemin, image fidèle de la province. Nous traversons une prairie de luzerne verte et croquante qui fera la joie des laitières quand la froidure les confinera dans l’étable. Le mont Perrou, maintenant, nous surveille sans se montrer trop voyeur. Il se cache derrière sa frondaison luxuriante.
Après une bonne lieue, le val de l’Ajoie se découvre devant nos pas. Riche de ses nombreux vergers, croulant des fruits de l’automne. L’endroit compte pourtant parmi les moins huppés de Suisse. La damassine, eau de vie locale, élaborée avec une petite prune aux subtils parfums, le damasson, assure la renommée du val. Selon une légende, le fruit aurait voyagé dans les malles des croisés revenants de Damas.
Nous quittons Charmoille, ses noix, ses coings, ses courges, ses radis… pour remonter au col des Esserts qui marque le retour en France.
Au-delà du col, où aucun douanier ne veille, Levoncourt nous accueille, avec ses fontaines et la Largue qui strie le village. Quelques engins et équipements énigmatiques, exposés dans un abri vitré, ont ravi nos yeux mais garderont leur secret usage faute de commentaires idoines.
Il ne nous restait plus qu’à retrouver nos coches, patiemment alignés le long du charmant lac de Courtavon.
Pendant le voyage de retour nous pouvons poursuivre nos rêveries peuplées de ces belles forêts jurassiennes qui ne connaissent pas de frontière comme nos amis marcheurs !
Guide et texte : Patrick
Photos : Blanche et Patrick